dimanche 12 septembre 2010

Confession d'un enfant du siècle de Robert Desnos



Je jouais seul, mes 6 ans vivaient en rêve.
L'imagination nourrie de catastrophes maritimes je naviguais sur de beaux navires vers des pays ravissants. Les lames du parquet imitaient à s'y méprendre les vagues tumultueuses et je transformais à mon gré la commode en continent et les chaises en île déserte.

Traversées hasardeuses, tantôt le vengeur s'enfonçait sous mes pieds, tantôt la méduse coulait à fond dans une mer de chaînes encaustiquées, je nageais alors à force de bras vers la plage du tapis.

C'est ainsi que j'éprouvais un jour la première émotion sensuelle. Je l'identifiais instinctivement aux affres de la mort et dès lors, à chaque voyage je convins de mourir noyé dans un océan vague ou le souvenir des vers d'Océano nox, "O combien de marins, combien de capitaines qui sont partis joyeux vers des rives lointaines" lus par hasard dans un livre dérobé se mêlait à l'épuisante volupté.

Hugo domina mon enfance, de même que je n'ai jamais pu faire l'amour sans reconstituer des drames innocents de ma jeunesse, je n'ai jamais pu éprouver d'émotion poétique d'une autre qualité que celle que j'éprouvais à la lecture de la légende des siècle et des misérables.

Je vécu ainsi de 6 à 9 ans. Les derniers échos de l'affaire Dreyfus, des bribes de conversation entendues, le chiffre 93, le nom de Robespierre qui réunit mes 2 prénoms Robert et Pierre me permettaient d'imaginer une république révolutionnaire pour laquelle je me battais sur des barricades de fauteuils et de tabourets.

Nous habitions en face de St Merri, les souvenirs de l'insurrection du cloître se confondaient avec les cloche du nord et l'admirable chanson du pont du nord. De mon lit quand je m'éveillais la nuit je pouvais apercevoir un bout de trottoir éclairé sinistrement par un réverbère évocateur d'attaque nocturnes.

J'ai d'ailleurs la bonté de prévenir le lecteur que je mêle le rêve et la réalité, le désir et la possession , le futur et le passé. Qu'il se le tienne pour dit.

Gustave Aymard me donna la première image de la femme, je poursuivi alors en compagnie d'espagnole fatales le cheval sauvage et le chasseur de chevelures dans les savanes parfumées. L'héroïsme désormais se confondit avec l'amour, le sang coula gratuitement pour satisfaire des lèvres sensuelles, pour provoquer le tressaillement de seins réguliers. La solitude ou je vivais se confondit avec les grandes solitudes naturelles ou il n'y a plus de place que pour l'image de la passion.

Au reste, j'allais à l'école, la maîtresse qui nous enseigna à lire et à écrire était jeune, je ne rêvais que d'elle et rien ne m'honorait plus que son approbation. Un jour l'un des élève s'étant montré particulièrement insupportable, elle le fouetta. Le spectacle de cette honteuse nudité, l'humiliation ressentie par quelqu'un de mon sexe, la cruauté sensuelle de la jeune femme m'émurent si profondément que je ressenti aussitôt les sensations familières à mes naufrages imaginés. Une haine solidaire de celle de mon camarade se mêla à mon affection pour la jeune maîtresse. J'avais besoin de me venger et cependant elle m'était plus chère que jamais depuis cet incident.

Je guettais les petites filles se rendant à l'école, je les pinçais, je les giflais, je leur tirais les cheveux et c'est d'un coeur rasséréné que je rentrais dans la classe où des lettres de craie rayonnaient comme des astres sur le tableau noir. Je rêvais de la vengeance tandis que l'ânonnement des élèves pareille aux gammes monotones d' une jeunes pianiste se mêlait au sifflement du gaz.

L'amour n'a pas changé pour moi, j'ai pu me perdre dans des déserts de vulgarité et de stupidité, j'ai pu fréquenter assidûment les pires représentants du faux amour, la passion a gardé pour moi sa saveur de crime et de poudre. Ceux que j'ai le plus aimé, ceux que j'aime le plus, je ne rêve rien tant que d'être séparé d'eux. Que de vaincre leur tendresse quitte à souffrir cruellement de leur absence.

Je ne sais jusqu'où l'amour conduira mes désirs. Il seront licites puisque passionnés.
Révolution, tendresse, passion, je méprise ceux dont vous ne bouleversez pas la vie, ceux que vous n'êtes pas capable de perdre et de sauver.

mardi 24 août 2010

Attention ça tourne!

Cherchez la solitude Monsieur Kapus
Votre âme doit résister et se porter garante de tout,
Même des soubresauts de l'être en proie au doute.
Les rues résonnent sous les attaques du vent:
Un bruissement sourd, élastique, baryton caverneux
Et les actualités sèchent au soleil du temps,
Géométriques et éphémères,
Symboliques.
Jouer à être libre, invisible.
Et chercher sous la moiteur du temps,
Une parcelle d'éternité:
Énerver le réel puis rêver.

lundi 14 juin 2010

Poème d'Ilarie Voronca

Un poème sans titre, d'Ilarie Voronca extrait d'Ulysse dans la cité (1933)

L'avoine du vent se renverse dans le sac de l'air
La harde de l'horizon hennit
Les glandes des sommets deviennent moites
Dans les éprouvettes de l'ombre le soir foisonne
Tes regards tissent une chemise aux broderies paysannes
Puis dans un cliquetis d'étoiles on relève la garde du ciel
Qui m'appelle? Est-ce toi l'auteur de ce poème?
Ma vie est enfermée ici entre les pages de ce livre
Comme un commentaire
Comme une ombre dans les feuillages du chêne
Me voila devant toi qui es-tu? qui suis-je?
Qui de nous deux engendre l'autre?
Tu t'appelles Ilarie Voronca et tu as vingt-trois ans
D'autres avant toi ont eu aussi cet âge
Leurs noms étaient plus sonores et ils jonglaient avec le ciel
Eux aussi se sont penchés sur le passage à niveau du cœur
Le garde-barrière tirait au train la langue du fanion
Eux aussi ils ont demandé aux profondeurs la signification du dernier départ
Sur les vitres les fleurs de glace dessinaient la respiration des événements
Dans la tanière du rêve les choses se réveillent prennent forme
Je me débat je veux m'échapper de la cage des mots
Aiguille donc ailleurs la tristesse inévitable
La plume cordon ombilical me relie à toi
Tu m'as vu dans les cinémas ces archets du silence
Sur tes lèvres la voix fait naufrage

vendredi 28 mai 2010

Signing on your head the virtual bondaries
I leap my leg and piss on your knees.
Never to be told is the truth I hold
One touch
One word
The hands have passed away
With cars, boring friends and masochists suffering.
I already see our harmful memories
Dancing on my knees with joyful smiles
The fighting is over
The mind can rest and sleep, and sleep.

"Ainsi Amour inconstamment me mène;
Et quand je pense avoir plus de douleurs,
Sans y penser je me trouve hors de peine."

jeudi 27 mai 2010

Vapeurs

Un ciel gris et bas suce les cheminées
Paris connaît ses premières pluies tropicales
L'été
Les idées moites coulent grossièrement le long des bus
Toute la ville suinte et gémit.
Monsieur désire-t-il un rafraîchissement?
Apportez moi quelque chose de saignant, avec un peu de céleri
Apportez-moi du papier frais et vite!

mercredi 26 mai 2010

Paris sous la pluie

On joue au tennis dans tout Paris
Plic Ploc
St Germain sous une bâche,
La rive droite boit, la bouche tendue vers un soleil masqué
Et la Seine s'engraisse, déborde.
Désormais Paris barbote.
Je rejoins la Butte en crawl,
Retour aux origines.
Pendant que je regarde passer l'orage, je me sens seul
Il faut travailler;
Alors le niveau monte et mes amis s'affolent
Percée de soleil, je peux dormir tranquille
La terre est folle, je suis le premier des imbéciles

mercredi 21 avril 2010

Jogging empoisonné

Les cigarettes et la pollution,
Dans Paris assoiffé,
Brulent les yeux
crament les poumons;
Les cigarettes et la pollution,
auprès du jogger motivé,
serrent la gorge et le menton.